Nouvelles d’une Parigote
syndrome du survivant
voilà 2 semaines que ça s’est passé. je voulais vous en parler, parce que… je ne peux pas faire autrement. parce qu’il ne s’est pas passé une journée depuis où je n’en ai pas parlé presque… toute la journée! parce que chaque jour, je vois des copains, des copines qui pleurent encore. parce qu’il faut qu’on se serre les coudes.
je voulais vous partager 2 idées. la première c’est que, même s’il n’y a pas de comparaison possible avec ceux qui ont été les victimes directes des attentats, nous avons tous été visés, nous étions les cibles, et que donc à des échelles très différentes mais extrêmement sensibles, beaucoup d’entre nous vivons un syndrome du survivant. ça passe par un choc, de la culpabilité, du chagrin, de la peur. chacun doit se questionner sur ce sentiment, l’accueillir afin de le dépasser et ne pas rester dans cette zone de survie. c’est un piège et il faut vivre. VIVRE!
pour ma part, et c’est la seconde idée, j’ai trouvé mes réponses dans la foule. au café avec les ami(e)s (comme certains le disent, c’est un peu notre coeur de compétences le café), sur les réseaux sociaux où j’ai pu lire et voir tant de choses intelligentes (ça m’a donné tellement de courage), devant les milliers de fleurs répandues sur les trottoirs de paname, avec ceux venus se recueillir au Carillon, au Bataclan ou à la Belle Equipe; à la Philharmonie de Paris remplie à craquer pour le concert d’Alexandre Desplat (grand compositeur de musique de film, dont Grand Budapest Hotel), hier à la Mona (quelle ambiance de feu)… je me suis sentie ramenée à la vie grâce aux autres et par ces sentiments de vie, d’amour et de beauté qui me dépassent. si je meurs demain, ça sera toujours là et ça m’apaise. toutes les discussions avec mes copains, la famille, nous ont aidées à avancer, car en chacun de nous, il y a cette foule justement, cette foule de sentiments et de pensées aussi. merci, MERCI!
dimanche dernier, Lâm organisait un enregistrement de « Studio 404 » son émission de société numérique; c’était prévu, c’était public et ça a été maintenu : on était 120 et c’était dingue. ça se passait au Tank, un lieu de co-working assez engagé; dans la grande baie vitrée, on pouvait voir le Café des Anges si durement touché. alors évidemment, on regarde de temps à autre si rien de suspect ne passe par là, on invente des scénarii au cas où « et la table là, je pourrais peut être la balancer et renverser le mec qui s’avance, ah non, elle est trop lourde… ok, bah la chaise peut être? » etc. les chroniqueurs n’avaient pas du tout les même ressentis; c’était parfois acerbe et décalé, et ça faisaient un bien fou. on a tellement ri! ça m’a fait l’effet d’un enterrement où l’on vient pleurer un mort et en même temps on retrouve, rencontre des gens, proches ou inconnus. on finit toujours autour du bon repas à rire comme des baleines et c’est très bien comme ça.
tout ça pour vous dire de ne pas hésiter à parler si vous en avez besoin. vous n’êtes pas des victimes directes mais vous avez tous les droits pour parler, aller et venir. mon ancienne psy me disait « vous n’avez pas le droit de minimiser ce que vous ressentez (sous prétexte que d’autres souffrent plus) ». d’une certaine manière, il faut vous rétablir. si vous sentez que vous n’y arrivez pas, allez plus loin dans votre démarche. aux grands maux, les grands remèdes. ne tombons pas dans le piège de la survie, parce que demain, il y va y avoir beaucoup de choses à faire, beaucoup de gens à aider.
je pense encore aux victimes, à leurs familles.
et vous envoie tout mon amour.
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12 commentaire(s)
Merci. Merci de trouver les mots justes. Merci de crier Vivre mais pas Oublier, de reconnaître la souffrance où qu’elle se trouve, de parler de cette peur naturelle et pas honteuse, de dire finalement « Oui, c’est difficile, mais il faut choisir la vie ».
Mais comment ça tu post le dimanche soir maintenant…;-)
c’est assez troublant de voir comme chaque personne a pu « sortir » (ou pas) ses émotions après la tragédie…
Hormis la tristesse, la peur aussi, j’ai eu de la colère…de la colère vis à vis des gens qui m’entouraient, de ma hierarchie prof aussi.
Dès le lendemain j’ai eu un sms qui me demandait : « qu’est ce que tu penses de ce qui s’est passé???? »….j’ai été soufflée Maï. Non seulement on ne me demandait pas comment j’allais, comment allait ma famille, mais on me demandait ce que moi j’en pensais…
Mais je ne pensais rien, j’avais du mal à penser du mal à réfléchir…j’étais sonnée et je pensais réellement que tout le monde l’était, que tout le monde ressentait comme moi…et surtout le vivait comme moi
Le lundi, j’ai été encore plus choquée de voir que ma hierarchie n’a pas daigné envoyé un mail ou télèphoné pour demander simplement comment allait l’équipe.
Chez moi, ma famille a bien vu que j’étais complètement perdue, qu’à chaque fois que je voyais des images j’avais les larmes aux yeux (d’ailleurs pour être franche pdt 1 semaine, je n’ai pas regardé la tv j’ai préféré écouter la radio…).
J’ai compris mnt en parlant avec une collègue que sûrement c’était aussi une manière de se protéger de ne pas parler…on pense que c’est mieux…Et pourtant tu as bien raison il ne faut pas rester avec ses ressentis, ses peurs et ses douleurs…
Mille bises Maï et bonne semaine
Le réconfort ds l’amitié …. Être avec les gens qu’on aime à parler de tout et de rien…
française mais pas parisienne n’ayant pu vivre cela que de loin, je te remercie pour ces mots si beau. ils font l’effet d’une envolée de centaines de colombes qui emportent avec eux l’innocence d’une ville en Paix… paix, apaisement et tranquillité,il semble qu’a travers ce texte tu as atteint ces sentiments. et puis la joie : ) continuez de rire!!!
ton texte pourrai servir de témoin dans les livres d’histoires de la France… il inspire tellement d’amour…
<3
Merci à toutes, il me semble et ça m’a paru « merveilleux » que nous avons tous des réactions extrêmement différentes et c’est bon de pouvoir en parler! Peace!
Merci, ça fait du bien de lire ça
C’est drôle je crois bien que nous sommes voisines, j’habite pas loin de Montorgueil 🙂
Ca m’a fait du bien de lire tes posts. Je n’arrivais pas encore à commenter mais ça y est. J’ai perdu un « ancien » proche (oui c’est bizarre dit comme ça) dans les attentats. On s’était rencontré au Café des Anges qui était mon QG il y quelques années. Pareil, il y a encore 1 an et demi j’habitais à une rue de la rue BIchat. Bref, je ne suis pas « directement » touchée, mais comme tout le monde, ça m’a pulverisée en plein vol. Hébétée, sidérée. Je n’ai pas pleuré pendant quelques jours et puis j’ai craqué.
Tout ce discours bien décousu pour te dire merci. Merci pour tes sourires, ton humour, ta créativité, tes couleurs, la musique de tes mots. Et pour ce cri d’amour dont je me martèle la tête depuis 2 semaines.
Bien à toi
Allison
Je suis aussi une parigote mais exilée en California côté LA, soleil et plage. Et alors que je suis loin, je ne pense qu’à Paris. Comme tu le dis, jamais je ne serais aussi directement touchée que les victimes et leurs familles mais, après le choc et la stupeur, je tremble encore, je pleure parfois, je suis irritable et puis, hop, parfois, je me motive à continuer car la vie est plus belle.
Je ressens tout cela même de l’autre côté de la planète. Et en parler ici est presque incongru surtout 2 semaines après… Alors que c’est si court.
Et oui les autres sont essentiels. il n’y a que ça dans la vie en fait. les relations à l’autre. Que cela qui importe, que cela qui compte vraiment, qui nous emplit.
Et être loin n’a alors plus de sens. Je suis à vif et je pense sérieusement à faire mes valises pour revenir chez moi, dans ce Paris que j’aime et où vivent les gens que j’aime.
Take care
merci. @marie : oui je te comprends, l’une de mes meilleures amies vit à nyc et est venue avec ses filles. ça lui paraissait pas possible de rester loin. je te comprends et t’envoie plein de bisous! plein
Comme Marie je suis expatriée mais même à l’autre bout du monde tout mon être a été ébranlé, et même deux semaines après les évènements mon cœur reste lourd. Ici en Nouvelle Zélande le soutien a été incroyable: tous les gens (proches ou non) m’ont entourée de leur amour et de compassion, c’était fantastique et ça m’a vraiment aidée à vivre le deuil, l’accepter, et avancer avec. C’est rassurant de voir que l’on passe tous par le même arc-en-ciel d’émotions que tu décris si bien dans ton article, et que chaque douleur, aussi unique et différente soit-elle, est légitime. Merci <3
Merci d’avoir mis des mots si sensibles et clairs sur cette purée dans laquelle je pédale. Je suis parisienne du Xeme, mais voilà j’habite un autre pays maintenant. Et les gens meme proches ne comprennent pas toujours que je sois tellement atteinte puisque je suis loin.