la beauté des Rituels
leur fonction aussi
Voici mon 3e post sur ce que j’ai appris à Spirit Horse, car cette année nous sommes restés pour le rituel de clôture du festival « Caldron for All ». comme Shivam l’expliquait, Spirit Horse se nourrit de rituels.
alors je vous raconte aussi.
on a séparé les hommes et les femmes (*). Les femmes s’étaient toutes parées de coiffures, de feuillages, de fleurs, de belles couleurs et broderies. chaque groupe a appris une chanson commune, avec certains passages à chanter ensemble et d’autres où chacun chantait séparément tout en répondant à l’autre.
nous avions du mal à nous concentrer car nous entendions les hommes et leurs tambours répéter. on riait et nous sentions fébriles. Alex est arrivée avec des grandes feuilles séchées transformées en longues ailes. elle en a porté une paire le long de ses bras, ainsi qu’une jeune fille juste derrière elle.
je les regardais émue en me disant : pfff… elles y croient quoi! c’est beau les gens qui croient! c’est fou, juste d’y croire!
Les hommes sont alors sortis de leur lodge, ils chantaient haut et fort, avec des percussions incroyables. Les hommes s’étaient maquillés, ornés de plumes, de foulards et de belles étoffes. Les hommes ont parcouru le chemin central du village, puis traversé la rivière. toujours en chantant. Les hommes étaient sublimes.
alors, Fiona a dit : « qu’ils attendent! » ça nous a fait rire.
Alors, à un moment, Alex est partie toute ailée, suivie d’Aïana, toute ailée aussi. je pensais que nous allions rejoindre les hommes « direct », mais bien sûr qu’il n’en fut rien. de méandre en circonvolution, les femmes ont parcouru TOUT le village. en passant par chaque pont, chaque tipi, chaque petite butte de la prairie, notre point de départ même, le women’s lodge; jusqu’à finir, à la rivière, devant un magnifique mandala éphémère, fait de fleurs et de fruits.
nous nous sommes positionnées en une longue ligne, le long de la rivière. en face des hommes, qui nous regardaient tout en continuant à chanter. nous étions encore silencieuses. toujours fébriles. alors Erika a fait un pas en devant, s’est retournées vers nous, nous a regardées l’air de nous dire « qu’est ce que je vous aime » et puis : « you know the song, you must now believe we are one same body. we are one same body. one same breath. »
voilà, hommes et femmes. face à face, avec cette rivière pour nous séparer et nous unir. chantant la même chanson.
pffff.
et se faire face ainsi, yeux dans les yeux, tous plus beaux, plus belles, les uns, les unes que les autres, chantant, oui yeux dans les yeux. c’est d’une beauté folle.
il y eu ensuite plein de différents passages. un discours incroyable de Shivam, avec son éloquence ancestrale fabuleuse, on a invité les enfants à faire partir des bateaux sur la rivière, des grands mères à nous envoyer leurs pensées, on a béni deux jeunes gens qui souhaitaient tomber amoureux dans l’année… etc, etc.
m’est revenu ensuite en tête le mariage de mon amie Mathilde cet été, son discours devant toute l’assemblée pour son mari Thomas, m’est revenu une lecture sur la puissance de la ritualisation dans les familles. de part leur poétique, leur folie, leur gratuité, leur intensité, j’ai compris la force du rituel : mettre au diapason, unir de manière symbolique, codifiée, mais réelle et hyper puissante, une assemblée éparse. dire, se dire, reconnaitre, se reconnaitre, jouer, se jouer en une longue procession symphonique et colorée, ce qui, pourtant, pourrait se dire en 2 mots :
« we belong ».
et certainement qu’il n’en faut pas moins pour se signifier cette chose si merveilleuse, « we belong », et ça va me nourrir pour des siècles et des siècles.
je vous envoie mille mille baisers…
(*) : je précise car il y a beaucoup de questions dessus à chaque fois, qu’il y avait des personnes transgenres et homosexuelles avec nous, positionnées dans la famille qui leur correspondait « naturellement » : une homme, une femme, ne positionne pas selon sa préférence sexuelle mais selon qu’il, elle, se sent homme ou femme. c’est très simple en fait! re- mille bises!
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10 commentaire(s)
Merci Mai pour cette sororité fraternité partagée ! Yes Oui Be Long !
J’ai toujours trouvé ça très beau les rituels. Ils nous rattachent avec force à notre humanité partagée.
La beauté des rituels, les rituels de beauté, j’aime voir la beauté de ma chérie se mettre en beauté.
Il y a une forme d’initiation dans les rituels que tu nous décris, Mai !
merci Mai pour le partage encore de tes expériences…j’aime les rituels, j’ai redécouvert leur existence avec le décès de ma mère et la naissance de mes enfants! aller à l’endroit où on a dispersé ses cendres mais aussi à chaque fois que je suis en bord de mer , aller dire bonjour à ma mère qui adorait ces paysage et ces atmosphères de littoral (d’ailleurs je dis souvent quand je vais à la plage que je voir ma mère ) Découvrir des gestes, des évènements qui font plaisir à mes enfants et en conserver ou en changer au fur et à mesure de leur grandissement. me lever plus tôt chaque matin pour moi.
lire tes posts….et tant d’autres moments.
nous sommes invités à deux mariages ces prochaines semaines et je suis tellement heureuse d’être là….après hein j’ai toujours pas compris pourquoi je suis incapable de faire une teuf pour mon anniv (mais j’adore souffler mes bougies).bises et merci !
Bonjour Mai, tu parles d’une lecture sur la puissance de la ritualisation dans les familles. Cela m’intéresse beaucoup, aurais tu le titre d’un livre à me donner ? Merci d’avance.
bonjour marion! il s’agit du livre « les famille qui ont la tête à l’enver » qqchose comme ça. c’est extrêmement éclairant sur le trans-generationnel. bonne lectu
Merci Mai de ta réponse. Je m’empresse de regarder ce livre de plus près.
Belle journée à toi
« Les familles qui ont la tête à l’envers » a été écrit par Robert Neuburger et traite effectivement du trans-générationnel. Il a aussi publié « les rituels familiaux » qui correspond peut-être plus à la demande de Marion, il me semble.
« je les regardais émue en me disant : pfff… elles y croient quoi! c’est beau les gens qui croient! c’est fou, juste d’y croire! »
Est-il question pour toi de croyances (je me méfie des croyances) ou de réelles aspirations ou simplement de vivre le moment présent sans questions qui y seraient liées ? Dans le moment présent, s’agissait-il pour toi de rejoindre une croyance ? D’après cette réflexion : « je les regardais (…) c’est fou, juste d’y croire! », j’ai l’impression qu’une part de toi était dans l’observation (déformation pro ?) Et pourquoi cette émotion ? Uniquement de l’admiration ?
Une réflexion pleine d’admiration liée à ta timidité, à une réserve ? Mon impression n’est peut-être pas la bonne ! Pour ma part je me suis déjà fait aussi cette réflexion qui me coupe du moment présent. Quand je pense au sujet des autres et/ou de moi-même « l’essentiel c’est d’y croire », c’est qu’une partie de moi n’est pas au diapason de ce que j’imagine, vivent les autres, ou au diapason entre la réalité que je vis et mes aspirations. Je ne sais pas si je suis clair !
Nous sommes dans les heures les plus sombres du solstice d’hiver. Odeur de sapin et de cire mélangée. Des branches de sapin dessinent sur le sol une grande spirale. Entre les branches, un espace forme un chemin circulaire qui mène, au centre de celle-ci, vers une bougie. Sa flamme seule éclaire l’espace.
Dans ma main, une bougie préalablement faite par moi-même attend d’être allumée. (La mèche plusieurs fois trempée dans un bain de cire s’était recouverte de couches successives pour enfin former celle-ci.) Je ne suis pas le seul. C’est maintenant moi qui me lève. Je m’avance au milieu d’un grand silence. Mes pas me font faire plusieurs fois le tour et me rapprochent du moment où je tend ma bougie vers la flamme.
Le chemin de nouveau, en sens inverse. Je suis attentif à cette flamme que je porte maintenant. J’ai 12 ans, je rejoins mes camarades et l’espace est de plus en plus teinté de flammes d’or.
Bien des années plus tard, nos filles ont fait ce parcours. Elles étaient encore loin de leurs douzième année.
Plus tard encore, nous décidons de visiter la cathédrale de Chartres. Au sol est dessiné un labyrinthe. Nous nous y engageons. Ce parcours baigné lui aussi de silence prend du temps. Son centre forme une fleur. Nous passons par celle-ci, puis nos pas doucement nous en éloignent. À l’écart du labyrinthe notre fille aînée nous dit : » Cela me rapproche de mon cœur. »
La fleur de notre cœur.